Analyse comparative entre les cas de MYRADA et SEWA, Inde
Etude de cas du chantier Finsol
Teresa Cerveau, April 2002
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L’analyse comparative entre Myrada et SEWA est facilitée par :
Un contexte socio culturel commun, l’Inde, avec ses spécificités de castes qui constituent la base sociale des groupes d’affinités.
Ce sont deux ONG, anciennes (+/-30 ans), oeuvrant pour des catégories défavorisées. Toutes deux font partie des grosses organisations du pays, connues et reconnues. De plus, leurs actions en matière de formation de groupes, dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, s’inscrivent dans un mouvement national, appuyé par la NABARD (Banque Nationale de Développement Agricole), très puissante et très présente.
Pourtant, l’étude sur leurs rôles dans l’intermédiation sociale donne des résultats assez contrastés et surprenants.
Myrada et SEWA basent leurs groupes sur des relations d’affinités préexistantes, de castes et de voisinage. Elles choisissent d’intervenir auprès des catégories défavorisées, sans parvenir cependant à toucher les plus pauvres.
Myrada, après avoir expérimenté différentes approches, a fini par trouver une qui semble faire ses preuves, les « Groupes d’Auto Promotion ». Elle définit clairement les critères pour la constitution de ces groupes et capitalise sur les modes d’appui qui permet un bon fonctionnement. L’impact en terme de capital social individuel et collectif semble probant, et les GAP semblent être en bonne voie pour devenir autonomes. Des initiatives collectives prises par les groupes leur permettent d’agir sur l’amélioration de la qualité de vie de leurs communautés. Les fédérations sont des interlocuteurs écoutées.
SEWA a créé une banque coopérative, décidé de servir les femmes en milieu rural, via des SCG. Le mode d’appui est déficient, les produits financiers mal définis et inadaptés. Les groupes éclatent, se dissolvent ou sont inactifs. Les membres restent aussi dépendants des sources traditionnels de financement qu’auparavant. Les groupes et Associations n’ont aucun impact sur leur environnement.
Le contraste semble reposer sur trois facteurs : la constitution des groupes, l’appui aux groupes et les produits et services offerts.
1- Constitution des groupes
Pour Myrada, les GAP ont une vie propre, leur propre raison d’être et de ce fait, sont des finalités.
C’est pourquoi une attention particulière a été donné à les identifier (groupes d’affinité préexistants) et à aider leur constitution, en particulier en les aidant à définir leurs règlements intérieurs. Myrada considère que de traiter avec ce type de groupe est plus efficace, car les agents ne doivent pas passer tout le temps à régler les problèmes et conflits au sein des groupes.
Pour SEWA, les SCG sont la condition pour pouvoir bénéficier des services de la banque, en milieu rural. Au départ elle préconisait même des groupes de 50, sans doute pour réaliser des économies d’échelle. On ne prend donc pas en compte la dynamique interne des groupes, ni leur identité, mais ils sont considéré comme un canal pour véhiculer l’appui. Les groupes n’ont donc pas développé d’existence propre.
2- L’appui aux groupes
Myrada a mis au point un système de rotation dans la présidence des groupes, dans les tâches et responsabilités et dans les relations du groupe avec l’extérieur (banque, par ex), de sorte que la formation bénéficie au plus grand nombre, qu’une transparence s’instaure au sein du groupe et renforce la confiance. De plus, les groupes gèrent leur propre épargne et la transforme en crédit, ce qui accroît l’appropriation, forme à la gestion et augmente les liens sociaux entre les membres.
SEWA met en place des agents polyvalents, qui s’occupent des autres programmes de SEWA en même temps que des groupes ; il en résulte le fait qu’ils ne s’en occupent pas beaucoup. Seuls les leaders sont formés. On remarque que ce sont les même leaders qui sont aussi à la tête des autres activités de SEWA, ce qui revient à faire émerger une poignée de personnes, cumulant de nombreuses fonctions. Cette approche tend à favoriser la suspicion au sein des groupes et susciter des conflits entre les personnes. Le groupe ne joue pas de rôle dans la gestion de l’épargne et du crédit, les décisions étant pris à la banque.
3- Les produits et services financiers
Myrada encourage l’épargne régulière au sein du groupe et décourage les retraits fréquents. En cas de besoin, et pour tout objet, le membre peut obtenir un prêt auprès du groupe, selon des modalités (durée, échéance, taux d’intérêts) fixées par le règlement intérieur. En cas de crise, le groupe peut décider de rééchelonnement le crédit. Les SHG les plus anciens et performants sont articulés avec une banque et peuvent y demander un crédit, pour refinancer ses activités.
Apparemment, le système est simple, décentralisé, flexible et maîtrisable par les gens.
SEWA est une banque coopérative avec des contraintes en lien avec la réglementation bancaire. Elle démarre donc avec une approche de mobilisation de l’épargne, très conservatrice (2 ans d’épargne régulière, sans crédit). Son service de gestion financière n’étant pas décentralisé, les retraits sont difficiles et lents, ce qui créé la méfiance et les mécontentements des membres. Les crédits sont rationnés, sans que les critères d’accès au crédit soient clairement affichés. Les membres ont rejoint le système pour avoir accès au crédit et sont donc rapidement frustrés. De plus, comme beaucoup de systèmes coopératifs, les rares crédits sont destinés à la consommation : habitat…et non à la production, ce qui n’est pas très éducatif. Seuls le service d’assurance santé semble avoir un impact, en temps de crise.
De cette analyse comparative, nous tirons donc les enseignements suivant :
· Le soin pris dans l’identification et l’accompagnement à la constitution des groupes est un investissement essentiel qui conditionne leurs capacités de développement.
· L’identité du groupe, sa dynamique propre, ses perspectives d’autonomie sont les garants de la création de capital social. Un groupe créé pour d’autres fins ne développe pas de liens sociaux.
· Pour renforcer les liens sociaux au sein du groupe, il convient de leur donner un rôle dans la gestion financière. Plus ce rôle est important et responsabilisant, plus il créera du capital social.
· L’institution d’appui doit assister en apportant des outils et des méthodes permettant une gestion transparente et participative, créant et renforçant la confiance.
· Ouvrir les groupes à d’autres instances (banques, agences gouvernementales…) créé du capital social .
Nous ne savons pas l’impact d’une approche de proximité telle que celle développée par Myrada sur les perspectives d’équilibre financier de cette institution, mais nous pouvons bien imaginer qu’elles ne doivent pas être très bonnes. Nous savons qu’elle considère davantage la pérennité des SHG comme objectif à atteindre que celle de ses propres activités d’appui. Cela pose bien entendu la question de l’arbitrage entre pérennité et impact, ou entre approches minimalistes et intégrées, lorsque l’on s’adresse à des populations très défavorisées.
SEWA est semble t-il équilibrée financièrement.
Article en format word sur site du [PSES->http://infotek.fph.ch/d/f/1221/1221_FRE.msword?public=FRE&t=.msword]
Sources :
Chantier Finsol du PSES
See also:
-
Etude de cas du chantier Finsol
Marco Santori, Juli 2002
-
La Portée du Vécu Historique – Etude de cas des Associations d’Epargne et de Crédit, Albanie
Etude de cas du chantier Finsol
Ruth Egger, Mai 2002