L’agriculture en zone périurbaine
Des exemples en France
janvier 2010
Résumé :
D’après les débats de l’atelier consacré à l’agriculture en zone périurbaine, avec la participation de Terre de Liens et des AMAP Ile-de-France, dimanche 19 avril 2009. Animation : Valérie Rosenwald, Terre de Liens Ile-de-France.
À la croisée des enjeux alimentaires, environnementaux, sociaux et d’aménagement du territoire, l’agriculture en zone périurbaine revêt une importance particulière. En Ile-de-France, la pression foncière est énorme, mais des leviers d’action existent, notamment au niveau des collectivités territoriales. Des initiatives citoyennes comme les AMAP et l’association Terre de Liens apportent elles aussi des solutions et des pistes de réflexion.
Les enjeux de l’agriculture périurbaine
L’agriculture en zone périurbaine correspond à l’agriculture pratiquée dans des espaces situés aux abords immédiats des villes et sous leur influence directe. Elle subit une très forte pression foncière due à la spéculation foncière et immobilière. Ainsi, en Ile-de-France, 80% de la superficie est rurale dont 50% de terres agricoles ; cependant 90% de ces terres agricoles sont consacrés aux cultures céréalières sans lien direct avec les habitants du territoire.
Ces grands exploitants tiennent les rênes des instances politiques et syndicales, des chambres d’agriculture. Ils rejettent souvent l’installation de néo-ruraux et sont réticents vis-à-vis de l’agriculture biologique. Les prix de l’hectare en terrain agricole vont de 4 à 10 000 € ; et de 100 à 150 000 € en terrain constructible. Du fait de ces différences considérables dans les prix, les zones agricoles disparaissent au profit des zones constructibles. Les terres agricoles sont convoitées pour y installer des équipements collectifs, sportifs (projet de circuit automobile), des zones commerciales ou d’habitation. Les agriculteurs partant en retraite sont tentés de vendre pour améliorer leur retraite et souhaitent le faire au tarif constructible, ce qui rend impossible l’installation d’un nouveau projet agricole. Tous les dix ans, c’est la surface d’un département qui est prise par l’urbanisation horizontale (lotissements, habitat individuel, zones commerciales…). Se pose par ailleurs le problème des terres devant être laissées sans culture selon la législation communautaire (primes européennes sur les jachères).
Que font les pouvoirs publics ?
Le cas de la SAFER
En France, l’aménagement du territoire est en partie régi par les SAFER (Société d’Aménagement Foncier et de l’Espace Rural). On en compte 27 réparties sur le territoire, leur rôle est de réguler le foncier agricole. Cependant elles sont confrontées au problème des références locales des prix disproportionnées à proximité des villes, particulièrement en région parisienne. Les différences de tarif entre les régions sont parfois criantes. De plus, l’action des SAFER est limitée par le clientélisme politique et syndical et par le laisser-faire face au marché, au profit des gros propriétaires. Elles servent d’intermédiaire avec un intérêt financier à la clé (pourcentage sur les ventes), bien qu’elles soient à but non lucratif. La SAFER est un organisme unique en France, son rôle est crucial, mais elle ne joue pas le jeu de la transparence, et l’intérêt spéculatif l’emporte trop souvent sur les besoins des paysans de s’installer en agriculture, près des villes, à des prix raisonnables.
Le rôle des communes et des collectivités territoriales
Les communes et les collectivités locales sont au premier plan pour favoriser l’agriculture en zone périurbaine. Les communes peuvent être propriétaires de terres agricoles, et elles sont responsables des PLU (plans locaux d’urbanisme, anciens POS, plans d’occupation des sols), qui jouent un rôle majeur pour l’aménagement du territoire et la protection des terres agricoles. Elles peuvent également exercer un droit de préemption et favoriser la création de jardins collectifs (ou partagés, ou ouvriers) assurant ainsi la réinsertion sociale et économique de personnes en difficulté, mais souvent aussi assurant la prévention de l’exclusion par la création de liens sociaux. De ce fait, les communes disposent d’atouts majeurs pour soutenir l’agriculture périurbaine, et mettre en place des politiques la favorisant. À Aubagne, par exemple, une charte a été élaborée en 1992 concernant le foncier, l’irrigation, et l’accompagnement technique. Cette expérience a fonctionnée et a donné lieu à l’installation de 10 jeunes agriculteurs qui ont fini par créer le label « Jardins des Pays d’Aubagne ». Malheureusement, comme la SAFER, les communes et les collectivités territoriales connaissent des problèmes de spéculation, de corruption et de clientélisme. Ainsi, les PLU favorisent souvent une occupation horizontale de la terre, sans compter la création d’équipements publics comme les espaces sportifs, culturels, et commerciaux. Cet étalement se fait au détriment des zones agricoles considérées généralement comme des réserves foncières pour l’urbanisation par les aménageurs.
Cependant, afin de lutter contre trop d’abus de la part des promoteurs, la loi d’orientation agricole de 1999 a mis en place la possibilité pour les communes de créer des Zones d’Agriculture Protégées de façon à protéger la fragilité de certains espaces agricoles face au développement des zones urbaines. Bien que cette procédure soit peu utilisée, elle reste un outil juridique insufflé par le législateur soucieux de voir disparaître toutes les zones agricoles du territoire français.
Exemples d’initiatives citoyennes pour favoriser l’agriculture périurbaine
Depuis quelques années, un lien se développe entre les consommateurs et l’agriculture de proximité, respectueuse de l’environnement. En effet, certains paysans font le choix d’aller à l’encontre du modèle productiviste. Ils travaillent alors sur une superficie raisonnable et adaptée, font de la polyculture (maraîchage, élevage, arboriculture, céréales et fourrage…) ce qui permet une complémentarité des ateliers, et redonnent à la terre sa vocation nourricière.
Le succès des AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) reflète cette recherche de proximité entre les consommateurs et les producteurs. Le mouvement des AMAP a été créé en 2001 dans la région de Toulon/Aubagne afin de promouvoir l’échange direct entre producteurs agricoles et consommateurs. Ceux-ci s’engagent à financer à l’avance la production, assurant un revenu à l’agriculteur et lui permettant d’effectuer les investissements nécessaires. Il en existe 1000 en France, dont une centaine en Ile-de-France regroupant 4000 consommateurs. Récemment, le réseau des AMAP d’Ile-de-France a d’ailleurs décidé de monter un projet de « ferme couveuse », sur le modèle d’une exploitation familiale (50 à 200 ha pour 5 à 10 agriculteurs) pour assurer la formation de jeunes agriculteurs néoruraux en leur permettant de « s’essayer » au métier. Ces derniers vont pouvoir tester plusieurs activités, apprendre les techniques agricoles, la commercialisation en vente directe et le travail collectif (achat collectif du foncier et mutualisation du matériel).
L’association Terre de liens a été créée en 2003 sur le modèle des GFA (Groupement Foncier Agricole), initiés dans les années 1970 notamment au Larzac. Elle soutient également des initiatives destinées à favoriser l’installation en agriculture périurbaine. Elle appuie les porteurs de projet pour l’accès au foncier en milieu rural et périurbain par le biais d’acquisitions collectives de foncier et de bâti. De plus, elle concourt à la création d’activités écologiquement responsables et socialement solidaires. Terre de liens organise également des formations, ouvertes à tous, pour acquérir des connaissances en la matière afin de pouvoir faire pression sur les élus. Créée en 2006, la Foncière Terre de liens a pour but de collecter de l’épargne auprès des citoyens pour acheter du foncier et du bâti agricoles et installer des agriculteurs bios localement.
Il est ensuite de la responsabilité de chacun de faire le choix d’une alimentation équilibrée et d’origine locale, de se rapprocher des producteurs ; de peser dans le rapport de force par le biais de collectifs ; et d’éviter de faire construire des maisons individuelles alors que tant de maisons et de villages sont laissés à l’abandon.
Parmi les propositions formulées pendant cet atelier, on peut redire notamment :
L’idée de maintenir, développer et étendre le statut du fermage sur le plan national, européen, voire mondial. C’est en effet une question transversale qui a été abordée tout au long du forum et qui montre que la propriété privée et individuelle n’est pas le seul mode d’accès à la terre. Le fermage favorise le droit d’usage, quel que soit le propriétaire, privé ou collectif.
L’allongement de la durée des PLU jusqu’à 15 ou 20 ans au lieu de 3 à 5 actuellement, pour décourager et empêcher la spéculation.
Le renforcement des différentes structures de gestion du foncier par la participation citoyenne.
L’idée d’inciter les communes à faire des réserves de foncier agricole pour favoriser l’agriculture de proximité.
Sources :
D-P-H (Dialogues, Propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale) www.d-p-h.info/index_fr.html